C’est le chapitre 1 du fameux Trouble dans le genre.

Butler questionne ce que la catégorie “femme” veut dire politiquement et par rapport aux objectifs du féminisme. On parle d’un féminisme qui veut plus que des aménagements du status quo.

Les théories féministes comme celles de Firestone ou Delphi, et un certain sens commun féministe, tendent à supposer un patriarcat unique et universel, définissant une classe de femmes qui sont opprimées. Alors qu’il n’en est rien et des auteures comme Audre Lorde ou Gloria Anzaldúa avaient déjà soulevé le problème de ne voir qu’une seule oppression envers un groupe supposément monolithique.

Butler l’exprime dans un langage plus académique, et fait des liens avec des théories comme celles de Foucault.

Une première idée c’est de se dire que “les femmes” comme sujet politique ça a surtout du sens dans les dites démocraties libérales représentatives. Il faut dans ce contexte que le groupe représenté soit conçu comme homogène, avec des intérêts propres, comme naturel et préexistant à la politique. Cela implique de réduire au silence toutes les femmes qui dépassent du cadre de ce qu’est supposé être et vouloir une femme.

La seconde idée force est de questionner la séparation entre le sexe et le genre. Le féminisme critiqué par Butler pense trouver dans cette séparation un moyen de prouver que le patriarcat est une pure construction arbitraire. Si on met sous l’étiquette “sexe” tout ce qui préexiste au politique, et est “naturel”, et que dans le “genre” on a tout le reste, alors on peut facilement dire que le patriarcat est une histoire de genre et qu’il est une fabrication non-naturelle. Mais en faisant cela, on condamne les corps différents du schéma binaire mâle/femelle typique à l’invisibilisation ou à la pathologisation. Par exemple les bébés et enfants intersexes sur lesquels on pratique des opérations sans nécessité médicale.

Butler ne fait que tirer les conséquences logiques des critiques féministes radicales et matérialistes comme celles de Firestone ou de Wittig. Si la catégorie “femme” est une fabrication patriarcale (tout comme “homme”), alors comment un féminisme conséquent pourrait-il s’appuyer dessus jusqu’au bout et de façon non critique ?